Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et encore :

Le mélange de deux natures, le taureau et l’homme[1].

Mais, suivant Philochorus, les Crétois ne conviennent pas de ce fait. Ils disent que le Labyrinthe était une prison, où l’on n’avait d’autre mal que de ne pouvoir s’enfuir, quand on y était enfermé. Minos, ajoutent-ils, avait institué, en l’honneur de son fils, des combats gymniques, où les vainqueurs recevaient pour prix ces enfants, qui restaient, jusqu’à cet instant, détenus dans le Labyrinthe. Aux premiers jeux, le vainqueur avait été un des principaux favoris du roi, un général d’armée nommé Taurus, homme de mœurs dures et farouches, et qui avait traité les enfants des Athéniens avec insolence et cruauté. Aristote, dans sa République des Bottiéiens[2], ne croit pas non plus que ces enfants fussent mis à mort par Minos, mais qu’ils vieillissaient en Crète, asservis à des travaux mercenaires. Et il advint que les Crétois, pour acquitter un ancien vœu, envoyèrent un jour à Delphes leurs premiers-nés : les descendants des prisonniers athéniens se joignirent à cette troupe, et tous quittèrent ensemble le pays. Mais, n’ayant pas trouvé à Delphes les moyens de subsister, ils passèrent d’abord en Italie, et ils s’établirent près du promontoire Iapygien[3] ; puis, retournant sur leurs pas, ils se transportèrent dans la Thrace, et ils prirent le nom de Bottiéiens. C’est pour cela que les filles des Bottiéiens, dans un de leurs sacrifices, terminent les chants par ces mots : « Allons à Athènes ! »

On voit, au reste, combien il est dangereux de s’attirer la haine d’une ville qui sait parler, et qui cultive les arts. Minos a toujours été décrié et couvert d’outrages, sur les théâtres d’Athènes. Rien ne lui a servi d’avoir été appelé,

  1. Ces deux vers sont tirés d’une pièce d’Euripide qui n’existe plus.
  2. Aristote avait décrit les gouvernements de cinquante-huit républiques, ouvrage aujourd’hui perdu, et dont il ne reste que des fragments.
  3. Ce promontoire était celui qui forme l’extrémité orientale de l’Italie,