Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/320

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Quoi qu’il en soit, Véies fut prise de force. Camille, qui, du haut de la citadelle, contemplait le pillage de ces richesses immenses, ne put retenir ses larmes : et, comme ceux qui étaient autour de lui le félicitaient de sa victoire, il leva les mains au ciel, et il fit cette prière : « Grand Jupiter ! et vous, dieux qui voyez les bonnes et les mauvaises actions des hommes ! vous savez que ce n’est pas injustement, mais par la nécessité d’une juste défense, que les Romains ont pris les armes contre des ennemis implacables, et contempteurs de toute loi. Si, en retour de cette prospérité, nous devons éprouver quelque malheur, épargnez, je vous en conjure, et Rome et l’armée des Romains : faites retomber sur moi le coup ; mais seulement ne m’écrasez pas. » Cette prière achevée, il voulut se tourner à droite, comme c’est la coutume des Romains, après qu’ils ont invoqué les dieux : et, en faisant ce mouvement, il se laissa tomber. Cet accident troubla les assistants ; mais Camille, se relevant de sa chute : « Voilà, dit-il, ce mal léger que j’avais demandé aux dieux, pour contre-balancer un si grand bonheur. »

Après le sac de la ville, il s’occupa, pour accomplir son vœu, de transporter à Rome la statue de Junon. Il rassembla des ouvriers dans ce dessein, fit un sacrifice à la déesse, et la pria d’avoir pour agréables les hommages empressés des Romains, et de consentir à habiter avec les dieux protecteurs de Rome. La statue, dit-on, répondit qu’elle le voulait bien, et que la proposition lui souriait. Tite-Live écrit que Camille fit sa prière à la déesse[1], la main sur la statue, et que, lorsqu’il l’invita à le suivre, quelques-uns des assistants répondirent : « Elle le veut bien, la proposition lui sourit, elle nous suit avec plaisir. » Au reste, un argument imposant que font

  1. Tite-Live ne parle pas de Camille, mais seulement des jeunes gens que Camille avait rassemblés pour transporter la statue, et que Plutarque, on ne sait pourquoi, appelle des ouvriers.