Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/324

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nes[1], des vaisseaux lipariens, qui les prenaient pour des corsaires, leur coururent sus ; mais, quand les assaillants virent qu’on se contentait de leur tendre les mains, et de leur adresser des prières, ils n’usèrent pas de violence : ils remorquèrent le vaisseau jusque dans leur port ; et là, ayant déclaré pirates ceux qui le montaient, ils les mirent en vente, eux et tout le butin. Et ce ne fut qu’à grand’peine qu’ils consentirent à les relâcher, par l’ascendant de la vertu et de l’autorité de Timasithée, leur général. Timasithée fit plus : il mit en mer quelques-uns de ses propres vaisseaux, accompagna les députés jusqu’à Delphes, et prit part avec eux à la consécration de l’offrande. Aussi les Romains lui décernèrent-ils des honneurs proportionnés à de tels services.

Les tribuns reproduisirent leur loi sur le partage des habitants de Rome ; mais la guerre contre les Falisques, qui survint fort à propos, rendit les patriciens maîtres des comices. Les affaires présentes demandaient un général qui joignît, à l’habileté pratique, autorité et réputation : Camille fut donc proposé comme tribun militaire, avec cinq autres. Le peuple ratifia la proposition ; et Camille prit en main le commandement de l’armée. Il eut bientôt envahi le territoire des Falisques. Il mit le siège devant Faléries, ville bien fortifiée, et qui n’avait négligé aucun préparatif de défense. Camille voyait parfaitement qu’elle n’était pas facile à prendre, et que le siège durerait longtemps : mais il était bien aise de tenir les Romains hors de leur ville, afin de leur ôter l’occasion de ces révoltes où ils se portaient, durant les loisirs de la paix, à la voix de leurs démagogues. Car c’était là le remède qu’employaient presque toujours les patriciens, tels que des médecins habiles, pour purger le corps politique des humeurs vicieuses qui en troublaient l’économie.

  1. Ou îles Lipari, entre la Sicile et l’Italie.