Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/325

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Les Falisques se confiaient en la force de leurs remparts, et ils se moquaient du siège : hormis les sentinelles qui gardaient les murailles, tous les autres habitants allaient en robe par la ville : leurs enfants se rendaient à l’école, et sortaient conduits par leur maître, pour se promener autour des murs, et pour faire leurs exercices. En effet, les Falisques, comme les Grecs, faisaient élever leurs enfants par un maître commun, pour les accoutumer, dès le premier âge, à être nourris et à vivre ensemble. Ce maître d’école avait formé le projet de livrer les Falisques aux Romains, en livrant leurs fils. Il menait tous les jours les enfants sous les murs. D’abord, il s’éloignait peu de la ville, et il les y ramenait dès qu’ils avaient fait leurs exercices. Insensiblement, il les conduisait un peu plus loin, pour leur ôter toute idée de crainte et de danger. Enfin, un jour, ayant toute la troupe avec soi, il donne à dessein dans les premières sentinelles romaines : il leur remet les enfants entre les mains, et il demande qu’on le présente à Camille. On l’y conduisit  : et, quand il fut en sa présence : « Je suis, dit-il, le maître d’école de Faléries. J’ai préféré à mon devoir le plaisir de t’obliger, et je suis venu te livrer mes élèves : c’est te rendre le maître de la ville. » Camille fut révolté de cette noire perfidie, et il dit à ceux qui étaient présents : « La guerre est une bien funeste chose ! car que d’injustices et de violence n’entraîne-t-elle pas après elle ! Mais, pour les hommes de cœur, la guerre elle-même a des lois : il ne faut pas désirer tellement la victoire, qu’on ne recule plus de la chercher par des moyens criminels et impies. C’est par sa propre valeur qu’un grand général soutient la guerre, et non point par la méchanceté d’autrui. » En même temps, il commande aux licteurs de déchirer les vêtements de cet homme, de lui lier les mains derrière le dos, et de donner des verges et des courroies aux enfants, afin qu’ils châtient le traître, en le ramenant dans la ville.