Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/356

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camp furent presque tous consumés par les flammes. Enfin, les Romains éteignirent le feu pour piller.

Cela fait, Camille laisse à son fils Lucius le commandement du camp, et la garde des prisonniers et du butin ; puis il entre sur les terres des ennemis, prend la ville des Èques[1], et force les Volsques de se rendre. Il courait déjà, avec son armée, du côté de Sutrium ; car il n’avait pas encore été informé du malheur des Sutriens : il s’imaginait que la ville n’avait besoin que d’un prompt secours, et qu’elle était toujours assiégée par les Étrusques, et seulement en danger d’être prise. Mais les Sutriens venaient de rendre la ville aux ennemis, qui les avaient dépouillés de tout, hormis les vêtements qu’ils portaient. Ils furent rencontrés sur la route par Camille, eux, leurs femmes et leurs enfants, lamentant tristement leurs infortunes. Camille fut vivement touché de leur état ; et, voyant les Romains pleurer de pitié aux prières des Sutriens, et faire éclater leur indignation, il prit le parti de ne pas différer la vengeance, et de marcher le jour même à Sutrium. Des hommes, pensait-il, qui venaient de prendre une ville riche et puissante, qui n’y avaient pas laissé un seul ennemi, et qui n’en attendaient pas du dehors, n’avaient pu songer qu’à se divertir, et ils ne seraient pas sur leurs gardes. Il ne se trompait point dans sa conjecture ; car non-seulement il traversa, sans être aperçu, le territoire de Sutrium, mais il arriva aux portes de la ville, et il se saisit des murailles, avant qu’on se doutât de rien. Il n’y avait aucunes sentinelles : épars çà et là dans les maisons, les Étrusques se réjouissaient et faisaient bonne chère. Ils finirent par s’apercevoir que les ennemis étaient maîtres de la ville ; mais ils se trouvaient tellement repus, tellement ivres, que la plupart n’eurent pas même l’idée de fuir : ils se

  1. La ville principale des Èques était Préneste, aujourd’hui Palestrine. Mais c’est d’une autre ville, sans doute, que veut parler Plutarque, car nous verrons tout à l’heure les Prénestins faire la guerre aux Romains.