Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rent à envisager résolument les Celtes ; car, telle était la terreur que leur inspiraient ces barbares, qu’ils attribuaient la première défaite de l’ennemi moins à leur propre valeur qu’aux maladies et aux accidents imprévus qui l’avaient affaibli. On jugera par un fait de l’excès de leurs craintes : ils avaient porté une loi qui exemptait les prêtres du service militaire, hormis le cas de guerre contre les Gaulois.

Ce fut là le dernier exploit militaire de Camille ; car il n’eut qu’à se montrer en passant, pour prendre Vélitres[1], qui se rendit sans coup férir. Mais les affaires politiques lui réservaient encore une lutte violente entre toutes, et pleine de périls. Le peuple, devenu plus fort par ses succès, persistait à exiger, contre les dispositions de la loi en vigueur, que l’un des deux consuls fût pris parmi les plébéiens. Le sénat résistait avec fermeté ; et c’est lui qui empêchait Camille de se démettre de la dictature, espérant, à l’aide de cette autorité suprême, combattre avec plus d’avantage, pour les privilèges de l’aristocratie. Mais un jour que Camille, assis sur son tribunal, rendait la justice dans le Forum, un licteur, envoyé par les tribuns du peuple, lui ordonna de le suivre, et mit la main sur lui, comme pour l’emmener de force. Alors ce fut, dans toute la place, un bruit et un tumulte dont on n’avait pas encore vu d’exemple. Ceux qui environnaient Camille repoussaient le licteur arrière du tribunal, tandis que la multitude criait d’en bas qu’il en arrachât le dictateur. Camille ne savait à quoi se résoudre, dans cette conjoncture. Il ne se démit pourtant pas de sa charge ; mais, accompagné des sénateurs qui étaient avec lui, il se rendit au sénat. Avant d’y entrer, il se tourna vers le Capitole, et il pria les dieux d’amener à une fin heureuse ces divisions funestes, faisant vœu, si les

  1. Ville du pays des Volsques.