Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/376

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pression de Platon[1], versa toute pure et à pleine coupe la liberté au peuple ; et le peuple enivré, disent les poètes comiques, comme un cheval sans bouche, ne sut plus obéir, et il se mit à mordre l’Eubée et à bondir sur les îles.

Pour se former un style digne de sa personne, et comme un instrument à l’unisson de ses pensées, Périclès eut sans cesse recours aux leçons d’Anaxagore, et il trempa, pour ainsi dire, son éloquence dans la physique[2]. Heureusement doué par la nature, à la sublimité de ses sentiments, et à cette persévérante et efficace volonté, comme parle le divin Platon[3], qu’il avait puisées dans l’étude de la philosophie naturelle, il joignait l’art de tirer parti de tout dans l’argumentation : aussi l’emporta-t-il de beaucoup sur tous les orateurs de son temps. C’est de là sans doute que lui vint le surnom d’Olympien. Toutefois, plusieurs pensent que ce surnom lui fut donné à cause des monuments dont il enrichit la ville ; et d’autres, à cause de son habileté dans la science du gouvernement et dans celle des armes ; et rien ne s’oppose à ce qu’on en attribue l’origine à la réunion de tant de rares qualités. Quoi qu’il en soit, les poëtes comiques de l’époque n’ont pas manqué de lancer contre lui une foule de traits, tantôt sérieux, tantôt plaisants ; et tous témoignent que ce fut pour son éloquence principalement qu’on lui donna ce surnom ; car ils disent qu’il tonnait à la tribune, et qu’il lançait des éclairs, et que sa voix était la foudre[4]. On rapporte aussi un mot assez plaisant de Thucydide, fils de Milésias, sur la puissance oratoire de Périclès. Thucydide était un des

  1. Dans le huitième livre de la République.
  2. J’ai dit ailleurs que les anciens philosophes prenaient le nom de physiciens ; j’ajoute ici que leurs ouvrages étaient ordinairement intitulés περὶ φύσεως, et que par physique ils entendaient une explication générale de toutes choses
  3. C’est à la fin du Phèdre ; et Cicéron, dans l’Orateur, a reproduit les remarques de Platon.
  4. Voyez, par exemple, Aristophane, au vers 530 et suivants des Acharniens.