Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/416

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tude ; et Périclès, élu de nouveau général, reprit en main les affaires. Aussitôt il entreprit de faire rapporter la loi sur les bâtards, loi dont il avait lui-même été l’auteur ; car il craignait qu’à défaut d’héritiers, son nom et sa race ne s’éteignissent avec lui. Voici ce qui s’était passé au sujet de la loi en question. Bien des années auparavant, lorsqu’il était dans toute sa puissance, Périclès, ayant, comme nous l’avons dit, des enfants légitimes, avait porté une loi qui ne reconnaissait pour Athéniens que ceux qui seraient nés de père et de mère athéniens. Dans la suite, comme le roi d’Égypte[1] avait envoyé en présent au peuple quarante mille médimnes de blé[2], et que les citoyens devaient en faire le partage entre eux, une foule d’actions judiciaires furent intentées, suivant les termes de la loi, contre ce qu’on appelait les bâtards. On reprit des poursuites jusqu’alors oubliées ou négligées ; et beaucoup même furent victimes d’imputations fausses. Il n’y en eut pas moins de cinq mille, convaincus de bâtardise, et vendus comme esclaves ; et, recensement fait de tous ceux qui conservèrent le droit de cité et portèrent légalement le nom d’Athéniens, il ne s’en trouva plus que quatorze mille quarante.

C’était chose bien grave, qu’une loi qui avait été exécutée avec une telle rigueur, et contre tant de personnes, fût abrogée par celui-là même qui l’avait portée. Cependant les Athéniens, touchés de ses malheurs domestiques, qui semblaient comme le châtiment de son arrogance et de sa fierté, et persuadés que le ciel s’était chargé de le punir, et qu’il avait besoin qu’on lui montrât des sentiments d’humanité, consentirent à ce qu’il inscrivît son bâtard dans sa phratrie[3], en lui donnant son nom. Celui-ci vainquit, dans la suite, la flotte du Pé-

  1. En ce temps là, il y avait, en Égypte, des rois indigènes, qui s’étaient rendus indépendants de la Perse.
  2. Plus de 20,000 hectolitres.
  3. C’est-à-dire, dans la portion de sa tribu dont les citoyens faisaient leurs sacrifices avec lui.