Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/455

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s’opposa à ce qu’on votât des fonds pour cette guerre ; et Scipion, forcé de s’en procurer par lui-même, s’en alla courir l’Étrurie, sollicitant ses amis : il trouva des ressources dans les villes de cette contrée, qui lui étaient unies par des liens particuliers, et qui voulurent contribuer à son entreprise. Pour Crassus, ennemi de la dispute, et doux de caractère, il resta chez lui, retenu d’ailleurs par une loi religieuse ; car il était grand pontife[1].

Fabius prit alors une autre voie d’opposition. Il mit obstacle aux enrôlements volontaires des jeunes gens qui s’engageaient à servir sous les ordres de Scipion ; et il les empêchait de partir, en s’écriant, dans le sénat et dans les assemblées du peuple, que, non content de se sauver d’Annibal, Scipion ne voulait pas le fuir tout seul, mais qu’il allait emporter au delà des mers toutes les forces militaires en Italie ; qu’il séduisait les jeunes gens par de belles espérances, et qu’il les entraînait à abandonner leurs parents, leurs femmes, leur patrie, tandis qu’un ennemi victorieux, et jusqu’alors invaincu, campait aux portes de Rome. Ces discours inspirèrent des craintes aux Romains ; et l’on décréta que Scipion ne pourrait emmener que les troupes qui se trouvaient en Sicile, avec trois cents hommes de ceux qui avaient servi sous lui en Espagne, et dont il avait pu éprouver la fidélité. Au reste, toute cette politique était conforme au caractère de Fabius.

Mais, quand Scipion fut passé en Afrique, et que bientôt Rome fut remplie du récit de ses actions étonnantes, de ses exploits éclatants et vraiment extraordinaires et inouïs ; quand d’innombrables dépouilles vinrent témoigner de la véracité des courriers qui annonçaient la captivité d’un roi numide[2], l’incendie de

  1. La loi interdisait au grand pontife de sortir de l’Italie.
  2. Le roi Scyphax.