pour arrêter l’entreprise, et pour suspendre l’expédition. Mais Alcibiade combattit son avis, et l’emporta ; et l’orateur Démostrate proposa un décret, qui remettait aux mains des généraux la disposition des préparatifs et l’ordonnance de toute la guerre[1].
Le peuple avait approuvé le décret, et tout était prêt pour le départ de la flotte, quand il apparut de sinistres présages. D’abord, ce fut la célébration des fêtes d’Adonis, qui se rencontra ces jours-là ; fêtes dans lesquelles les femmes athéniennes exposent en public des simulacres de morts qu’on porte en terre, se frappant elles-mêmes la poitrine, par imitation de ce qui se pratique aux funérailles, et accompagnant ces cérémonies de chants lugubres. Ensuite, ce furent les Hermès[2], qui avaient été presque tous, en une nuit, mutilés au visage ; ce qui troubla ceux-là mêmes qui méprisaient ordinairement les signes de ce genre. On attribua cette profanation aux Corinthiens, dévoués à Syracuse, leur colonie, et qui comptaient sur la terreur religieuse, pour retenir les Athéniens, ou les faire renoncer à l’expédition. Mais le peuple n’écouta ni ces propos, ni les assurances qu’on lui donnait que ce présage n’avait rien d’effrayant, et que ce n’était qu’un de ces actes d’insolence où les jeunes gens sont entraînés d’habitude par la chaleur du vin, et qui ne sont pour eux qu’un badinage. La colère et la crainte leur faisaient voir, dans cette impiété, une conjuration tramée par des audacieux, et qui couvrait de grands desseins. Aussi, le sénat et le peuple s’assemblèrent-ils, à ce sujet, plusieurs fois en quelques jours, pour rechercher, avec la dernière sévérité, jusqu’aux moindres traces du crime.