Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/509

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de la dernière inculpation qu’on porta contre lui. Voici comment. Lysandre, que les Lacédémoniens avaient envoyé prendre le commandement de la flotte, donnait à ses matelots, sur l’argent qu’il recevait de Cyrus[1], quatre oboles au lieu de trois. Alcibiade, qui payait à grand’peine les trois oboles aux siens, alla dans la Carie, pour y lever des contributions. Il avait laissé le commandement de la flotte à Antiochus[2] : c’était un bon pilote, mais, du reste, un homme étourdi et sans tenue. Alcibiade lui avait défendu de combattre, fût-il même attaqué par les ennemis. Mais Antiochus ne tint compte de la défense, et il poussa la témérité jusqu’à la folie : il remplit son vaisseau de soldats, en prend un autre dans la flotte, cingle vers Éphèse, et passe le long des proues des navires ennemis, provoquant par des outrages et des injures ceux qui les montaient. Lysandre se contenta d’abord de détacher quelques navires, pour lui donner la chasse ; mais, les Athéniens ayant couru à la défense d’Antiochus, Lysandre fit avancer toute sa flotte, battit les Athéniens, tua Antiochus lui-même, s’empara de plusieurs vaisseaux, fit un grand nombre de prisonniers, et dressa un trophée. Informé du désastre, Alcibiade revint à Samos : il mit à la voile avec toute la flotte athénienne, et il alla offrir la bataille à Lysandre ; mais celui-ci, content de sa victoire, ne sortit pas à sa rencontre.

Alcibiade avait dans son camp quelques ennemis particuliers : Thrasybule, fils de Thrason[3], un de ceux qui lui étaient hostiles, partit pour l’aller accuser à Athènes, et pour exciter le peuple contre lui. C’était, selon lui, Al-

  1. Frère d’Artaxercès.
  2. On a vu plus haut comment Antiochus avait gagné les bonnes grâces d’Alcibiade.
  3. Ce Thrasybule n’est plus l’homme à la voix de Stentor dont il a été question ailleurs, mais le général qui devait plus tard délivrer Athènes de la tyrannie des Trente.