Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/542

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toute sorte d’égards. Les jours suivants, ils conférèrent ensemble sur les moyens de faire la guerre.

Cependant, à Rome, l’irritation des nobles contre le peuple, aigrie par la condamnation de Marcius, était une cause de perpétuels désordres. D’ailleurs, des devins, des prêtres, des particuliers, annonçaient des prodiges d’un caractère vraiment sérieux. En voici un entre autres, tel que le rapporte la tradition. Il y avait un Romain, nommé Titus Latinus[1], homme de condition ordinaire, mais, au demeurant, ami du repos et de la vertu, étranger à toute superstition, et plus encore à tout sentiment de vanité. Il vit en songe Jupiter, qui lui ordonna d’aller dire au sénat que, dans les supplications faites en son honneur, on avait mis, à la tête de la procession, un mauvais danseur, et qui lui avait parfaitement déplu. Titus ne tint d’abord aucun compte de cette vision ; mais elle se répéta une seconde fois et une troisième : il ne s’en mit pas davantage en peine. Alors il perdit son fils, enfant de grande espérance, et il devint lui-même perclus de tous ses membres. Voilà ce qu’il raconta dans le sénat, où il s’était fait porter sur un brancard. Dès qu’il eut déclaré sa vision, il sentit, dit-on, son corps reprendre des forces ; il se leva, et il s’en retourna seul chez lui. Les sénateurs, étonnés, firent, à propos de cette déposition, une enquête approfondie. On découvrit, à la fin, qu’un citoyen avait livré à ses esclaves un de leurs camarades, avec ordre de lui faire traverser la place publique en le battant de verges, et ensuite de le mettre à mort. Or, pendant qu’ils exécutaient cet ordre, et que le malheureux, déchiré de coups, faisait des contorsions horribles et bondissait de douleur, la procession, par hasard, marchait derrière eux. Les assistants furent généralement révoltés de ce spectacle hideux et indécent ; mais personne ne se mit en

  1. D’autres le nomment Latinius, ou Atinius, ou Atromius, ou Acronius.