Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/548

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trie, quoiqu’il sût que la plus grande portion des citoyens et la plus saine compatissait à ses malheurs, et se tenait pour outragée avec lui. Cette résolution fut proclamée ; et le peuple ne put donner à sa proposition force de loi, parce qu’un sénatus-consulte eût été nécessaire.

Marcius, à cette nouvelle, sentit redoubler sa colère. Il quitte le siège de Lavinium[1], s’avance furieux du côté de Rome, et vient camper près des fossés Cluiliens, à quarante stades[2] de la ville. Son approche jeta dans Rome un effroi et un trouble inexprimables ; et la sédition s’apaisa sur-le-champ : il n’y eut plus ni un magistrat ni un sénateur, qui osât contredire le peuple sur le rappel de Marcius. En voyant ces femmes qui couraient çà et là dans les rues, ces vieillards répandus dans les temples, versant des larmes, et adressant aux dieux d’humbles prières, et tous les esprits incertains, incapables de prendre avec courage un parti salutaire, il n’était personne qui n’avouât que le peuple avait eu raison de demander le rappel de Marcius, et que c’était une grande faute au sénat d’entrer en courroux et en mauvais vouloir, alors précisément qu’il était sage de renoncer à tout ressentiment. Ils résolurent donc, d’un avis unanime, d’envoyer des députés à Marcius, pour lui offrir le retour dans sa patrie, et pour le prier de mettre fin à la guerre.

Les députés envoyés par le sénat étaient tous ou parents ou amis de Marcius. Ils s’attendaient à recevoir de lui, à ce titre, un accueil favorable ; mais il n’en fut rien. Conduits à travers le camp, ils le trouvèrent assis, entouré des principaux d’entre les Volsques : sa contenance était hautaine, ses paroles d’une rudesse insupportable. Marcius leur ordonna de déclarer ce qu’ils avaient à dire ; et ils parlèrent en termes doux, modestes,

  1. Il avait laissé des troupes en quantité suffisante pour continuer le blocus.
  2. Huit kilomètres, ou deux lieues.