Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/560

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour leur répondre, le respect qu’on lui portait fit cesser le tumulte, et lui permit de s’expliquer librement. Les plus estimables d’entre les Antiates, fort aises de jouir de la paix, se montraient disposés à l’écouter favorablement, et à le juger avec équité. Tullus craignit qu’il ne les convainquît de son innocence. Car Marcius était très-éloquent ; et d’ailleurs ses exploits d’autrefois lui valaient plus de reconnaissance que sa dernière action de défaveur, ou plutôt l’accusation elle-même était un complet aveu de la grandeur de ses services : en effet, les Volsques ne lui auraient pas fait un crime de ce qu’ils n’avaient pas pris Rome, s’ils n’eussent pas dû à Marcius d’avoir été sur le point de la prendre. Tullus vit donc qu’il n’y avait pas de temps à perdre, et qu’il ne s’agissait pas de songer à gagner le peuple. Les plus hardis de ceux qu’il avait ameutés se mettent à crier qu’il ne faut pas écouter le traître, ni souffrir qu’il domine tyranniquement les Volsques en refusant de se démettre du commandement. Ils se précipitent tous à la fois sur lui et le massacrent, sans que pas un des assistants ose prendre sa défense[1]. Mais les Volsques montrèrent bientôt que ce meurtre n’avait pas l’assentiment du plus grand nombre des citoyens : ils accoururent de toutes les villes voisines pour honorer ses restes ; ils lui firent des obsèques avec toutes les distinctions dues à sa dignité, et ils décorèrent son tombeau d’armes et de dépouilles, trophées qui annonçaient le guerrier courageux et le général.

Les Romains ne donnèrent, en apprenant sa mort, aucun témoignage d’honneur à sa mémoire, ni aucun signe de ressentiment contre lui. Seulement, ils permirent aux femmes, sur leur demande, de porter pendant dix mois le deuil de Marcius, comme elles faisaient

  1. C’était en 488 de Rome, et Coriolan n’avait certainement pas quarante ans. Selon l’historien Fabius Pictor, il aurait vécu jusqu’à une grande vieillesse, et toujours dans l’exil ; mais cette opinion n’a pas prévalu chez les anciens.