Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/563

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honteux de se faire son complaisant, pour acquérir le pouvoir ; mais une autorité qui se fonde sur la terreur, la violence et l’oppression, est à la fois et une honte et une injustice.

Marcius, comme on l’a pu remarquer, avait un caractère plein de simplicité et de franchise, tandis qu’Alcibiade était astucieux et fourbe dans sa politique. Ce qu’on reproche surtout à celui-ci, c’est la méchanceté avec laquelle il trompa, suivant Thucydide, les ambassadeurs lacédémoniens, afin de rompre la paix. Mais cette action, tout en rejetant Athènes dans les embarras d’une guerre, la rendit forte et redoutable, par son alliance avec ceux de Mantinée et d’Argos, qui fut l’ouvrage d’Alcibiade. C’est pourtant aussi par une ruse que Marcius fit naître la guerre entre les Romains et les Volsques : il calomnia, suivant Denys[1], les intentions des Volsques qui étaient venus aux jeux de Rome. Le motif, ici, ajoute encore à la perversité de l’action. Il n’était pas excité, comme Alcibiade, par l’ambition, par des rivalités, par les luttes de la politique : il ne voulut que satisfaire son ressentiment ; passion qui, suivant la maxime d’Ion[2], paye toujours mal les complaisances. Pour cela, il porta le trouble dans plusieurs contrées de l’Italie, et il ruina, par son animosité contre son pays, un grand nombre de villes qui ne lui avaient fait aucun tort.

Il est bien vrai qu’Alcibiade fit, par colère, éprouver de grands maux à ses concitoyens ; mais leur repentir le ramena sur-le-champ ; et, même après son second bannissement, loin de voir avec indifférence les fautes des généraux qui l’avaient remplacé, il eut soin de les avertir du danger où les allait jeter leur imprudence. On célèbre la démarche d’Aristide auprès de

  1. L’historien Denys d’Halicarnasse.
  2. Le poëte tragique. D’autres lisent de Dion : ce serait alors une parole de l’homme d’État dont Plutarque a écrit la Vie.