Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/76

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Une autre coutume qui s’observe encore, c’est que la nouvelle mariée ne passe pas d’elle-même le seuil de la maison de son mari, et qu’on la porte pour le lui faire franchir, parce qu’alors les Sabines n’y entrèrent point, mais y furent emportées de force. Quelques-uns veulent que l’usage de séparer avec la pointe d’un javelot les cheveux de la nouvelle épousée signifie que les premiers mariages des Romains furent faits par violence et par la voie des armes. Nous en avons parlé plus au long dans les Questions romaines.

Cet enlèvement se fit le dix-huitième jour du mois alors nommé Sextilis et maintenant Auguste : c’est le jour où l’on célèbre les fêtes Consuales.

Les Sabins étaient un peuple nombreux et guerrier ; ils habitaient des bourgs sans murailles : c’était, pensaient-ils, un devoir pour eux, colonie de Lacédémone[1], de défier le péril et de le braver sans crainte. Mais, se voyant liés par les otages précieux que leurs ennemis avaient entre les mains, et craignant pour leurs filles, ils envoyèrent des députés faire à Romulus des propositions justes et modérées : c’était de leur rendre leurs filles ; de réparer l’acte de violence qui avait été commis ; d’employer, à l’avenir, la persuasion et les voies légitimes, pour unir les deux nations par l’amitié et les alliances. Romulus refusa de rendre les filles, et il exhorta les Sabins à ratifier les mariages.

Tandis que les autres délibéraient sur cette réponse, et qu’ils passaient le temps en préparatifs, Acron, roi des Céniniens, commença la guerre. C’était un homme d’un grand courage, un capitaine habile ; et depuis longtemps il avait suspecté les premières entreprises de Romulus : aussi jugea-t-il, à l’enlèvement des Sabines, que c’était un voisin redoutable, et qu’on ne pourrait plus

  1. Cette origine est plus que douteuse. Les Sabins étaient tout simplement des montagnards, et, comme tels, des hommes habitués à une vie sobre et dure et à tous les genres de courage.