Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/134

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il savait bien que, s’il lui échappait, il se vengerait. Étonné de cette tranquillité et de cette fermeté : « Pourquoi donc, demanda le tyran, Pélopidas est-il si pressé de mourir ? — Afin, répondit celui-ci, que tu deviennes encore plus odieux à la divinité, et que tu périsses plus tôt. » Depuis ce temps, sa prison fut interdite à tous ceux du dehors.

Cependant Thébé, fille de Jason et femme d’Alexandre, ayant appris par ceux qui le gardaient la noble constance de Pélopidas, désira le voir et lui parler. Lorsqu’elle arriva auprès de lui, elle ne démêla pas, au premier moment, car elle était femme, son grand caractère sous l’appareil d’une telle calamité : en voyant sa chevelure et ses vêtements négligés, la manière dont il était servi ; elle jugea sa position bien pénible et indigne de sa gloire, et se prit à pleurer. Pélopidas, ignorant d’abord quelle était cette femme, s’en étonnait ; puis, quand il le sut, il l’appela par le nom de Jason, son père, dont il avait été le compagnon et l’ami. Et, comme elle lui disait : « Je plains ta femme. — Et moi, je te plains, répliqua-t-il, d’être libre et de souffrir Alexandre. » Cette parole la toucha au vif ; elle supportait d’ailleurs impatiemment la cruauté et les violences du tyran, qui, outre ses autres infamies, faisait servir à ses voluptés brutales le plus jeune des frères de Thébé. Aussi depuis lors ne cessa-t-elle d’aller voir Pélopidas, lui contant librement ses peines, et se remplissant peu à peu de hardiesse, de ressentiment et de haine contre Alexandre.

Les généraux de Thèbes étaient entrés en Thessalie, mais ils n’avaient rien fait, soit par incapacité, soit à cause de leur mauvaise fortune ; et ils s’étaient retirés honteusement : on les condamna chacun à une amende de dix mille drachmes[1], et l’on envoya à leur place Épa-

  1. Environ neuf mille francs de notre monnaie.