Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/135

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minondas avec une armée. Toute la Thessalie se mit soudain en mouvement, confiante qu’elle était dans la réputation du général ; la puissance du tyran s’ébranla rapidement ; il touchait à sa ruine, tant ses officiers et ses amis étaient effrayés, tant ses sujets se portaient avec ardeur à la révolte et se livraient à la joie d’un avenir prochain qui leur montrait le tyran puni de ses crimes ! Mais Épaminondas tenait plus à la conservation de Pélopidas qu’à sa propre gloire. Dans la crainte qu’Alexandre, désespéré du bouleversement total de ses affaires, ne se tournât contre Pélopidas, comme une bête farouche, il tenait la guerre suspendue sur sa tête ; il tournait autour de lui, préparant ses attaques, et affectant des retards, pour disposer et façonner le tyran à sa volonté, sans lui laisser la faculté de se livrer à ses emportements effrénés, et sans irriter son âme âpre et féroce ; car il connaissait sa cruauté et son mépris du juste et de l’honnête. Alexandre enterrait des hommes vivants ; il en revêtait d’autres de peaux d’ours ou de sangliers, et lançait sur eux des chiens de chasse qui les mettaient en pièces, tandis qu’il les perçait lui-même à coups de javelot : c’était pour lui un délassement. Dans les villes de Mélibée et de Scotuse[1], avec lesquelles il était lié par des traités d’alliance et d’amitié, un jour que les citoyens se trouvaient à délibérer en assemblée, il les environna tout à coup de ses satellites, et massacra toute leur jeunesse. La lance dont il avait percé Polyphron, son oncle[2], il l’avait consacrée, couronnée de fleurs ; et il lui sacrifiait comme à une divinité, et il l’appelait Tychon[3].

  1. C’étaient deux villes de la Magnésie, pays voisin de la Macédoine.
  2. Polyphron était tyran de Phères, avant Alexandre ; son neveu lui avait enlevé à la fois son empire et la vie.
  3. Ce mot signifie fortunée.