Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/166

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muraille de trous nombreux, fort rapprochés les uns des autres, et garnis de scorpions d’une médiocre portée, mais propres à frapper de près, et invisibles à l’ennemi[1].

Arrivés auprès de la muraille, les Romains se croyaient à couvert ; mais là encore ils se trouvèrent en butte à mille traits, à mille coups : des pierres leur tombaient perpendiculairement sur la tête, tous les points de la muraille lançaient des traits contre eux. Ils se retirèrent : mais lorsqu’ils furent de nouveau à une portée plus grande, d’autres traits volèrent, et les assaillirent dans leur retraite ; ils perdaient beaucoup de monde, leurs vaisseaux s’entre-choquaient avec violence, et il leur était impossible de faire de leur côté aucun mal à l’ennemi. Archimède avait disposé la plupart de ses machines derrière les murs ; c’était une main invisible qui faisait pleuvoir mille maux sur les Romains : on eût dit un combat contre les dieux.

Cependant Marcellus échappa au danger ; et, raillant ses ouvriers et ses ingénieurs : « Ne cesserons-nous donc point de guerroyer contre ce géomètre Briarée, qui prend nos vaisseaux pour des coupes à puiser de l’eau de mer ; qui soufflette outrageusement et abat la sambuque, et qui surpasse ces géants mythologiques aux cent bras, en lançant contre nous tant de traits à la fois ? » En effet, toute la population de Syracuse était le corps, et Archimède seul l’âme qui faisait jouer et mouvoir toutes ses machines : toutes les autres armes se reposaient ; les siennes seules étaient employées et pour l’attaque et pour la défense. Enfin telle était devenue la crainte des Romains, que, s’ils voyaient s’allonger au-dessus des murs le moindre bout de corde ou de poutre, ils tour-

  1. Tout ce passage est fort corrompu dans le texte, et ne peut s’entendre, comme l’a remarqué Dacier, qu’en recourant à Polybe, que Plutarque a voulu évidemment copier à cet endroit.