Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui plaît. C’est de là que celui dont le nom est prononcé s’appelle dictateur, du mot dicere qui, chez les Romains, signifie déclarer. Selon d’autres, le dictateur est ainsi nommé parce qu’il n’a point recours aux suffrages qui se donnent en votant ou en levant la main, mais qu’il décrète, de sa propre autorité, ce que bon lui semble ; et les décrets des magistrats que les Grecs appellent ordonnances, les Romains les appellent édits[1].

Le collègue de Marcellus, venu de Sicile, voulait choisir un autre dictateur ; et, pour n’être pas forcé d’agir contre son gré, il s’embarqua de nuit et retourna en Sicile. Ainsi, le peuple avait nommé dictateur Quintus Fabius. Le Sénat écrivit à Marcellus pour l’inviter à ratifier ce choix. Marcellus obéit ; il proclama Fabius, et confirma le décret du peuple. Lui-même fut déclaré proconsul pour l’année suivante. Il fut ensuite convenu entre lui et Fabius Maximus, que celui-ci essaierait de reprendre Tarente, et que Marcellus s’attacherait à Annibal et le harcèlerait sans cesse, pour l’empêcher de secourir la place.

Il marcha alors vers Canusium ; Annibal changeait souvent de campement, évitait de combattre, et Marcellus lui apparaissait de tous côtés. Enfin il le surprend un jour occupé à se retrancher ; aussitôt il court, il escarmouche vivement, et Annibal sort pour le repousser : on en vint aux mains, mais la nuit sépara les combattants. Le lendemain matin, Marcellus apparaît encore à la tête de son armée rangée en bataille. Outré de douleur, Annibal assemble les Carthaginois, les conjure de soutenir dans cette journée l’honneur de leurs victoires précédentes : « Vous le voyez, leur dit-il, nous ne pouvons respirer, après tant de victoires ; vainqueurs, nous

  1. La première étymologie est celle que donne Varron, dans son Traité de la langue latine ; la seconde est de Denys d’Halicarnasse.