Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/181

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éléphants sur la première ligne, et de les conduire aux Romains. Les premiers rangs de ceux-ci reculèrent tout d’abord en désordre ; mais un tribun de légion, nommé Flavius, saisissant un étendard, marcha au-devant du premier éléphant, et lui en enfonça la pointe dans le corps. L’animal se retourne et tombe sur l’éléphant qui suivait ; celui-ci rebrousse chemin, et, avec lui, tous les autres qu’on avait lancés. À cette vue, Marcellus commanda à la cavalerie de charger vigoureusement les ennemis déjà troublés, et d’achever de les culbuter les uns sur les autres. La cavalerie exécuta une charge brillante ; elle chassa et tailla en pièces les Carthaginois jusqu’à leur camp : cependant le plus grand nombre périrent écrasés par les éléphants qui, blessés mortellement, tombaient sur eux. On dit qu’ils perdirent plus de huit mille hommes ; les Romains eurent trois mille morts, mais presque tous leurs soldats étaient blessés. Cette circonstance permit à Annibal de décamper tranquillement pendant la nuit, et de se retirer loin de Marcellus. Le grand nombre des blessés mettait celui-ci dans l’impossibilité de le poursuivre. Il s’en alla à petites journées en Campanie, et passa l’été à Sinuesse pour y refaire ses troupes.

Annibal, débarrassé de Marcellus, put alors se servir de son armée, pour ainsi dire affranchie. Il courait sans crainte brûlant tout dans l’Italie ; et de mauvais bruits se répandirent dans Rome sur Marcellus. Ses ennemis suscitèrent, pour l’accuser, Publicius Bibulus, un des tribuns, homme d’une éloquence facile et violente. Plusieurs fois il assembla le peuple, et conseilla de confier à un autre le commandement de l’armée : « Marcellus, disait-il, s’est donné un peu d’exercice à la guerre ; aussi le voilà qui passe de la lutte aux bains chauds pour se soigner à l’aise. » Marcellus apprit ce qui se passait ; il laissa ses lieutenants dans ses cantonnements, et vint à Rome pour répondre à ces accusations ; il trouva qu’on était tout prêt à lui