Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/345

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rapportent, non pas qu’il se mit aux genoux de Glaucias, mais qu’il se prit à l’autel des dieux domestiques, qu’il s’y tint debout en jetant ses bras à l’entour, et que Glaucias crut reconnaître dans ce fait un signe de la volonté divine. Il remit donc Pyrrhus entre les mains de sa femme, en lui recommandant de l’élever avec leurs enfants ; et, quelque temps après, il refusa de le livrer à ses ennemis qui le demandaient, et à Cassandre qui lui offrait deux cents talents[1]. Il fit plus : quand Pyrrhus eut atteint sa douzième année, il le reconduisit dans l’Épire avec une armée, et l’établit roi de ce pays.

Pyrrhus avait bien dans les traits un air de majesté, mais plus propre à inspirer la crainte que le respect. Sa mâchoire supérieure n’était pas formée de dents séparées : c’était un seul os continu, marqué seulement de légères entailles aux endroits où les dents auraient dû être séparées. On croyait qu’il guérissait les maladies de la rate ; pour cela il immolait un coq blanc, faisait coucher les malades sur le dos, puis il leur posait doucement son pied droit sur le flanc. Il n’était homme si pauvre ni de si basse condition qui n’obtînt de lui ce remède, aussitôt qu’il le demandait. Il recevait pour salaire le coq qu’il avait immolé ; et ce présent lui était particulièrement agréable. On dit que son gros orteil du pied droit avait une vertu divine ; à ce point qu’après sa mort, lorsque son corps eut été brûlé tout entier sur le bucher, on retrouva cet orteil intact, et sans aucune trace des atteintes du feu. Nous reparlerons de ceci plus tard[2].

Parvenu à sa dix-septième année, et se croyant assuré de la possession de ses États, il lui arriva de faire un

  1. Environ douze cent mille francs de notre monnaie.
  2. Plutarque n’a pas tenu sa parole ; mais Pline dit qu’on mit l’orteil de Pyrrhus dans un reliquaire, et qu’on le conserva dans un temple.