Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/349

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Thessalonicé, sa mère, avait chassé son frère Alexandre. Celui-ci envoya vers Démétrius pour lui demander secours, et appela Pyrrhus. Tandis que Démétrius, occupé ailleurs, tardait à venir, Pyrrhus arriva, et demanda d’abord, pour prix de ses services, la place de Nymphéa, le littoral de la Macédoine, et, dans les provinces conquises, l’Ambracie, l’Acarnanie et l’Amphilochie ; ce que le jeune homme lui abandonna. Pyrrhus mit ses garnisons dans les villes, puis il conquit le reste du royaume pour son allié, et dépouilla Antipater. Cependant le roi Lysimachus, désireux de porter secours à ce dernier, mais occupé lui-même d’un autre côté, sachant Pyrrhus disposé à faire tout ce qui pouvait être agréable à Ptolémée et à ne lui rien refuser, lui adressa une lettre contrefaite sous le seing supposé de Ptolémée, dans laquelle celui-ci conseillait à Pyrrhus d’abandonner son expédition et d’accepter d’Antipater trois cents talents[1]. À peine Pyrrhus eut-il ouvert la lettre, qu’il reconnut la ruse de Lysimachus ; au lieu du salut paternel qu’employait ordinairement Ptolémée : « à Pyrrhus, mon fils, » il y avait celui-ci : « Le roi Ptolémée au roi Pyrrhus. » Il en fit des reproches à Lysimachus ; cependant il conclut la paix, et les rois se réunirent pour jurer sur les victimes les articles du traité. On avait amené un bouc, un taureau et un bélier ; et tout à coup le bélier tomba mort sans avoir été frappé. Les autres n’en firent que rire ; mais le devin Théodotus dissuada Pyrrhus de prêter serment, en lui disant que ce signe des dieux menaçait de mort l’un des trois rois. Il resta donc ainsi en dehors de cette paix.

Les affaires d’Alexandre étaient déjà solidement établies, lorsqu’arriva Démétrius ; et il fut bientôt facile de voir qu’il était venu quand on n’avait plus besoin de lui, et que sa présence portait ombrage. Après avoir passé

  1. Environ dix-huit cent mille francs de notre monnaie.