Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/373

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portait. Il y avait longtemps déjà que le combat durait ; enfin leur déroute commença sur le point où se trouvait Pyrrhus : il fit passer ses masses sur les lignes opposées, et il acheva de les ébranler par la force et l’impétuosité de ses éléphants. Le courage des Romains leur devenant inutile dans ce genre de combat : emportés comme par un flot impétueux, ou par un tremblement de terre qui faisait manquer le sol sous leurs pas, ils sentaient qu’ils ne devaient pas résister, ni attendre la mort sans pouvoir même se défendre, et en souffrant sans utilité des douleurs atroces. Comme ils étaient peu éloignés de leur camp la poursuite ne fut pas longue, et ils ne perdirent que six mille hommes, au rapport d’Hiéronyme ; il y eut trois mille cinq cents morts du côté de Pyrrhus, comme le portaient les registres mêmes du roi. Cependant Denys ne rapporte pas qu’il se soit livré deux combats près d’Asculum, ni que les Romains aient été décidément vaincus ; mais seulement qu’il y eut une bataille qui dura jusqu’au coucher du soleil, et qu’alors les armées se séparèrent à grand’peine, après que Pyrrhus eut été blessé au bras d’un coup d’épieu, et que les Samnites eurent pillé ses bagages ; et qu’il périt dans cette journée plus de quinze mille hommes tant du côté de Pyrrhus que du côté des Romains. Les deux armées se séparèrent donc, et l’on raconte que Pyrrhus répondit à un de ceux qui le félicitaient : « Oui, si nous gagnons encore sur les Romains une seule bataille, nous sommes perdus sans ressource. » En effet, il lui en avait coûté une grande partie des forces qu’il avait amenées, tous ses amis et ses généraux, à l’exception d’un petit nombre ; il ne savait comment réparer ces pertes, et il voyait ses alliés indigènes se refroidir, tandis que le camp des Romains, comme s’ils avaient eu chez eux une source inépuisable, se remplissait tout d’un coup et abondamment, et que leurs défaites, loin de leur faire perdre courage, ne fai-