Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/385

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Du côté où se portait Pyrrhus la lutte se soutenait avec vigueur. Tous combattaient vaillamment ; mais Phyllius surtout se signala : il tua plusieurs des assaillants, et, lorsqu’il se sentit défaillir à cause de ses nombreuses blessures, il céda sa place à un de ceux qui étaient derrière lui, et tomba au milieu des siens ; de manière que son cadavre ne resta pas au pouvoir des ennemis.

La nuit sépara les combattants. Pendant son sommeil, Pyrrhus eut une vision : il lui sembla que Lacédémone était par lui foudroyée et mise en flammes, et qu’il s’en réjouissait ; et sa joie l’éveilla. Les généraux reçurent l’ordre de tenir les troupes prêtes ; et il raconta le songe à ses amis, persuadé qu’il allait prendre la ville d’assaut. À quoi tous ajoutaient foi merveilleusement ; cependant Lysimachus n’aimait pas cette vision, parce qu’il craignait, disait-il, que, comme il est défendu de passer par les lieux frappés de la foudre, la divinité ne signifiât par ceci à Pyrrhus qu’il n’entrerait point dans la ville. Pyrrhus répondit qu’il fallait laisser ces contes stupides à la populace ignorante, prendre les armes et se dire :

Le meilleur augure, c’est de combattre pour Pyrrhus[1].

En disant ces mots, il se leva ; et au point du jour il conduisit son armée en avant. Les Lacédémoniens se défendirent avec une ardeur et un courage au-dessus de leurs forces ; les femmes étaient à côté d’eux, leur présentaient des armes, apportaient à boire et à manger à ceux qui en avaient besoin, et retiraient les blessés de la mêlée. De leur côté les Macédoniens s’efforçaient de combler le fossé en y jetant quantité de matériaux par-dessus les armes et les cadavres, qui en furent couverts. Tandis que

  1. Parodie du vers 43 du liv. XII de l’Iliade, où Hector dit à Polydamas que le meilleur augure, c’est de combattre pour la patrie.