Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/426

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récit de Sylla[1], qui assistait à cette bataille. Marius, écrit-il, espérait engager le combat par les extrémités, aux deux ailes, de manière que tout l’honneur de la victoire revint à ses propres troupes, sans que Catulus pût prendre part à l’engagement ni atteindre l’ennemi, parce qu’ordinairement le centre se replie en croissant lorsque les lignes ont tant d’étendue ; et c’est dans ce dessein qu’il avait ainsi disposé les deux armées. D’autres historiens racontent que Catulus, dans l’apologie à laquelle il fut obligé, fit la même observation, et accusa Marius d’une grande malveillance à son égard. L’infanterie des Cimbres sortit de ses retranchements d’un pas tranquille, et se forma en bataillon carré, dont chaque côté avait trente stades[2] d’étendue. La cavalerie, forte de quinze mille hommes, s’avançait magnifiquement ornée ; ils portaient des casques qui ressemblaient à des gueules d’animaux redoutables et à des mufles d’une forme étrange, et relevés par des panaches de plumes, ornement qui ajoutait encore à leur taille ; ils étaient couverts de cuirasses de fer et de boucliers d’une blancheur éclatante. Ils tenaient à la main deux javelots pour lancer de loin ; dans la mêlée ils se servaient d’épées longues et pesantes.

Dans cette journée ils ne marchèrent pas de front sur les Romains ; mais, obliquant à droite, ils manœuvrèrent de manière à les jeter peu à peu entre eux et leur infanterie, qui était rangée sur la gauche. Les généraux romains virent bien le stratagème, mais il n’était plus temps d’arrêter les soldats : un d’eux s’était écrié que les ennemis prenaient la fuite, et tous s’étaient mis à les

  1. Sylla avait laissé des mémoires, dont Plutarque a tiré, comme on le verra, le plus grand profil, car dans la Vie de Sylla il s’y réfère sans cesse.
  2. Environ une lieue et demie.