Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/521

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pour y prendre des leçons d’éloquence, mais pour y châtier des rebelles. »

On en était là quand des gens de Sylla ayant entendu, dit-on, des vieillards qui s’entretenaient dans le Céramique[1] se plaindre de ce que le tyran laissait sans défense, contre les attaques de l’ennemi, le côté de la muraille qui regarde l’Heptachalcon[2], le seul point où l’escalade fût possible et facile, allèrent sur-le-champ avertir Sylla. Sylla ne méprisa point ces renseignements : il se transporte lui-même à l’endroit indiqué, reconnaît, à l’inspection des lieux, qu’il est aisé à emporter, et dispose tout pour l’attaque. Le premier qui monta sur la muraille, au rapport de Sylla lui-même dans ses Mémoires, Marcus Téius, porta sur le casque de l’ennemi qui lui faisait tête un coup si rudement asséné que l’épée se rompit en deux ; mais, tout désarmé qu’il était, il ne quitta point la place, il s’y tint ferme, et refoula devant lui son adversaire. La ville fut donc prise par cet endroit, comme les vieillards athéniens l’avaient prévu. Sylla fit abattre la muraille qui était entre la porte du Pirée et la porte Sacrée ; et, après qu’on eut aplani le terrain, il entra dans Athènes sur le minuit, dans un appareil effrayant, au son des clairons et des trompettes, aux cris furieux de toute l’armée, à qui il avait laissé toute licence de piller et d’égorger, et qui se répandit, l’épée à la main, dans toutes les rues de la ville. Le carnage fut horrible. On n’a jamais su le nombre de ceux qui périrent : on en juge encore aujourd’hui par la vaste étendue qui fut couverte de sang ; car, sans compter ceux qui furent tués dans les autres quartiers, le sang versé sur la place remplit tout le Céramique jusqu’au Di-

  1. Plutarque oublie de nous dire comment ils ont pu entendre une telle conversation.
  2. C’était le nom d’un quartier de la ville.