Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/540

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dronicus de Rhodes[1], qui composa les tables dont on se sert aujourd’hui. Les anciens péripatéticiens ont été certainement fort éclairés et fort érudits ; mais ils ne semblent avoir étudié qu’un petit nombre des ouvrages d’Aristote et de Théophraste, et sur des copies peu correctes, parce que l’héritage de Nélée de Scepsis à qui Théophraste avait légué ces livres, était tombé entre les mains de gens peu instruits, et incapables de l’apprécier[2].

Sylla, pendant son séjour à Athènes, fut pris d’une douleur aux pieds, accompagnée d’engourdissement et de pesanteur, que Strabon appelle le bégaiement de la goutte. Il se fit porter par mer à Édepsus[3], pour prendre les bains chauds ; là, il passait les journées en fêtes, dans la société des comédiens. Un jour qu’il se promenait sur le bord de la mer, des pêcheurs lui offrirent de très-beaux poissons. Charmé de ce présent, il leur demanda d’où ils étaient. « D’Alées, répondirent-ils. — Hé quoi ! reprit Sylla, il y a donc encore des Aléens en vie ? » C’est qu’après la victoire d’Orchomène, en poursuivant les ennemis, il avait détruit d’un seul temps trois villes de la Béotie, Anthédon, Larymne et Alées. Les pêcheurs, saisis de crainte, demeurèrent muets ; mais Sylla leur dit avec un sourire de s’en aller joyeusement. « Vous êtes venus, dit-il, recommandés par des intercesseurs puissants, et qui ne méritent pas d’être refusés. » Ces paroles rendirent le courage aux Aléens, et ils retournèrent habiter leur ville.

Sylla traversa la Thessalie et la Macédoine, et descendit vers la mer, pour s’embarquer à Dyrrachium, et

  1. C’était le onzième successeur d’Aristote dans l’école du Lycée.
  2. J’ai discuté la valeur du témoignage de Plutarque sur ce point important de l’histoire de la philosophie dans l’Introduction à la Métaphysique d’Aristote.
  3. Ville d’Eubée, près du cap Cénéus.