Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/79

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versel, que plusieurs des magistrats firent aux dieux des sacrifices d’actions de grâces. Mais, quand on en rechercha le premier auteur, il ne se trouva personne : chacun la renvoyait à un autre, elle échappait sans cesse ; à la fin, elle se perdit dans la foule immense ainsi que dans une vaste mer ; et, comme elle ne paraissait avoir aucune origine certaine, elle se dissipa promptement. Mais Domitien, en marchant avec une armée contre Antonius, rencontra en chemin un courrier chargé des lettres qui lui apprenaient la victoire. Or, le jour où on l’avait gagnée était celui-là même où la nouvelle en avait couru dans Rome, quoique le champ de bataille fût éloigné de plus de vingt mille stades[1]. Voilà un fait que pas un contemporain n’ignore.

Cependant Cnéius Octavius, qui commandait la flotte de Paul Émile, étant abordé à Samothrace, ne voulut point, par respect pour les dieux, violer l’asile de Persée ; mais il s’occupa de lui ôter les moyens de s’embarquer et de prendre la fuite. Néanmoins Persée gagna secrètement un Crétois nommé Oroandès, qui avait un petit vaisseau, et l’engagea à le recevoir à son bord, lui et ses richesses. Oroandès en usa envers lui à la crétoise : il embarqua, à la faveur de l’obscurité, tout ce que Persée avait de précieux, et lui dit de se rendre, vers le milieu de la nuit, au port voisin du promontoire de Démétrium, avec ses enfants et les serviteurs dont il ne pouvait se passer ; mais dès le soir il mit à la voile. Persée, ses enfants et sa femme avaient enduré de cruelles tortures à descendre, par une petite fenêtre, le long du mur, mal façonnés qu’ils étaient aux fatigues d’une vie errante. Mais quel gémissement de douleur il poussa, lorsqu’un homme

  1. Environ mille lieues. C’est une erreur considérable, ou une grossière faute de copiste. Il n’y a guère que le quart de cette distance de Rome aux bords du Rhin.