Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/160

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éclipsé tous les autres. Les plus grandes preuves que l’on donne de son avarice, ce sont les moyens qu’il employait pour acquérir, et l’immensité de sa fortune. Il ne possédait d’abord pas plus de trois cents talents[1] ; et, dans la suite, pendant son administration politique, il consacra à Hercule la dixième partie de ses biens, donna un banquet au peuple, et distribua à ses frais à chaque citoyen du blé pour trois mois ; et, malgré ces prodigalités, lorsqu’avant de partir pour son expédition contre les Parthes il dressa un état de sa fortune, il trouva que le total de ses fonds montait encore à sept mille cent talents[2]. Et la plus grande partie de ses biens, s’il faut dire une vérité déshonorante pour lui, il l’amassa par le feu et la guerre ; les calamités publiques lui furent une large source de revenus.

Lorsque Sylla, maître de la ville, mettait en vente les biens de ses victimes, qu’il considérait comme les dépouilles d’ennemis vaincus, et dont il voulait faire partager l’usurpation au plus grand nombre possible de Romains et aux plus considérables, Crassus ne refusa ni d’accepter en don ni d’acheter aucun de ces biens. Outre cela, considérant que les fléaux les plus ordinaires de Rome étaient les incendies et l’écroulement des maisons causé par la pesanteur et le grand nombre des étages, il se procura des esclaves charpentiers et maçons ; et il en avait plus de cinq cents. Ensuite, lorsqu’une maison brûlait, il l’achetait et en même temps les maisons adjacentes, que les propriétaires, effrayés, dans l’incertitude de l’événement, lui vendaient à vil prix. Il devint ainsi possesseur de la plus grande partie de Rome.

Quoiqu’il eût à lui tant d’ouvriers, il ne bâtit lui-même d’autre maison que celle qu’il habitait : « Ceux qui aiment

  1. Environ dix-huit cent mille francs de notre monnaie
  2. Plus de quarante millions de notre monnaie.