Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/177

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un grand sacrifice à Hercule, donna au peuple un banquet de dix mille tables, et distribua à chaque citoyen du blé pour trois mois.

Vers la fin de leur charge, un jour qu’ils tenaient l’assemblée du peuple, on vit paraître un homme qui n’était pas des plus distingués : c’était un chevalier romain, mais qui vivait à la campagne en simple particulier ; il se nommait Onatius Aurélius[1]. Cet homme monta à la tribune, et raconta une vision qu’il avait eue pendant son sommeil : « Jupiter m’est apparu, dit-il, et il m’a ordonné de vous dire publiquement de ne pas souffrir que vos consuls déposent leur magistrature avant d’être devenus amis. » Lorsqu’il eut ainsi parlé, le peuple invita les consuls à se réconcilier ; Pompée restait debout, immobile ; alors Crassus, lui tendant la main le premier : — « Citoyens, dit-il, je ne crois faire rien de bas, ni d’indigne de moi, en offrant le premier mon affection et mon amitié à Pompée, puisque vous lui avez donné le nom de Grand, quand il n’avait pas encore de barbe, et que vous lui avez décerné le triomphe, quand il n’était pas encore sénateur. »

Voilà tout ce qu’il y eut dans le consulat de Crassus qui mérite d’être mentionné. Sa censure passa entièrement inutile et inoccupée : il n’y fit ni la révision du Sénat, ni la revue des chevaliers, ni le dénombrement des citoyens, quoiqu’il eût pour collègue l’homme le plus facile qu’il y eût à Rome, Lutatius Catulus. On rapporte toutefois que Crassus, ayant voulu faire passer une mesure aussi violente qu’injuste, qui tendait à rendre l’Égypte tributaire des Romains, Catulus s’y opposa avec énergie, et qu’à la suite d’une contestation acharnée, ils abdiquèrent volontairement leur charge.

Lors de la conjuration de Catilina, qui fut si grande

  1. Dans la Vie de Pompée, cet homme est appelé Caïus Aurélius.