Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/176

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l’atteindre, mais il tua deux centurions qui s’étaient attaqués à lui. À la fin, ceux qui l’accompagnaient s’enfuirent ; resté seul, il fut enveloppé et frappé à mort en se défendant courageusement.

Crassus avait su profiter de la fortune : il s’était conduit en capitaine habile, il ne s’était pas épargné dans le danger ; et cependant le succès ne put échapper encore à la gloire de Pompée : ceux qui échappèrent, il les rencontra et les détruisit. Aussi écrivait-il au Sénat : « Crassus a vaincu les esclaves fugitifs à force ouverte ; j’ai arraché les racines de la guerre. » Pompée triompha avec beaucoup d’éclat de Sertorius et de l’Espagne ; Crassus n’essaya pas de demander le grand triomphe : il obtint le petit triomphe appelé ovation ; encore trouva-t-on qu’il y avait peu de noblesse et de dignité à triompher pour une guerre d’esclaves. On a vu dans la vie de Marcellus en quoi ce genre de triomphe diffère de l’autre, et d’où lui vient son nom[1].

Après cela, Pompée était appelé tout droit au consulat. Crassus avait tout lieu d’espérer d’être nommé consul avec lui : il ne dédaigna pas cependant de solliciter ses bons offices. Celui-ci saisit avec plaisir l’occasion de lui être utile ; car il désirait que Crassus fût toujours son obligé de quelque façon que ce put être. Aussi montra-t-il beaucoup d’empressement et d’ardeur à l’appuyer ; et il alla même jusqu’à déclarer en pleine assemblée qu’il n’aurait pas moins de reconnaissance pour avoir obtenu ce collègue que pour le consulat. Toutefois, ils ne demeurèrent pas dans ces sentiments de bienveillance mutuelle, lorsqu’ils furent entrés en charge. Divisés d’opinions sur presque tous les points, toujours se contrariant, toujours se querellant, ils passèrent leur consulat sans rien faire d’important ni d’utile. Seulement Crassus fit

  1. Voyez la Vie de Marcellus dans le deuxième volume.