Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/195

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cer ceux qu’il aurait en face à engager le combat de près, avant qu’il fût complètement enveloppé. Car c’était principalement sur lui que les escadrons des Parthes tombaient et chargeaient, en cherchant à le tourner. Le jeune homme prit treize cents cavaliers, parmi lesquels les mille qui lui venaient de César, avec cinq cents archers et huit cohortes de soldats armés de boucliers qui étaient le plus près de lui ; il leur fit faire un demi-tour, et les conduisit à la charge. Les Parthes qui caracolaient autour de lui, soit qu’ils se conformassent aux ordres donnés, comme quelques-uns le pensent, soit qu’ils manœuvrassent pour éloigner Crassus de son père le plus possible, tournèrent le dos et prirent le galop. « Ils n’osent pas nous attendre !  » s’écrie Crassus, et il pousse son cheval ; avec lui se lancent Censorinus et Mégabacchus[1], celui-ci remarquable par son courage et sa force, l’autre par sa dignité sénatoriale et son éloquence : c’étaient deux amis de Crassus, à peu près du même âge que lui. L’infanterie, en voyant la cavalerie ainsi lancée, ne resta pas en arrière, entraînée elle-même par l’ardeur et la joie que lui causait l’espérance de la victoire. On se croyait vainqueur ; on croyait l’ennemi en déroute, et l’on s’avança fort loin. Mais alors on reconnut la ruse : ceux qui semblaient fuir firent volte-face ; et, une foule d’autres se joignant à eux, tous revinrent à la charge. Les Romains firent halte, pensant que l’ennemi en viendrait aux mains, en les voyant en si petit nombre. Mais non ; les Parthes leur opposèrent leur grosse cavalerie ; et les autres cavaliers, voltigeant sans ordre autour d’eux, remuaient jusqu’au fond les monceaux de sable dont la plaine était couverte, et soulevaient une poussière immense. C’est à peine si les Romains pouvaient se voir

  1. On ne sait pas ce que c’était que ce Mégabacchus ; en tout cas, ce nom n’est pas celui d’un Romain.