Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/202

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la retraite des Romains ; cependant ils ne les poursuivirent point. Mais, dès le point du jour, ils entrèrent dans le camp ; et ceux qu’on y avait laissés, et qui n’étaient pas moins de quatre mille, furent égorgés. Leur cavalerie prit en outre beaucoup de fuyards qui erraient par la plaine. Le lieutenant Varguntinus[1] perdit d’un seul coup avant le jour quatre cohortes, qui s’étaient égarées de la route. Retirées sur un tertre, environnées par l’ennemi, elles furent massacrées, à l’exception de vingt hommes seulement, qui se précipitèrent en avant l’épée nue à travers les Barbares : ceux-ci, étonnés, se retirèrent, leur ouvrirent un passage, et les laissèrent s’en aller ensuite au pas jusque dans Carrhes.

Suréna reçut un faux avis que Crassus s’était échappé avec les principaux personnages de son armée, et que la foule qui s’était écoulée dans Carrhes n’était qu’un ramas d’hommes sans importance. Il crut donc avoir perdu le fruit de sa victoire ; néanmoins il doutait encore, et désirait savoir la vérité, afin de rester là et de faire le siège de la ville, ou bien de laisser les Carrhéniens et de se mettre à la poursuite de Crassus. Pour cela il dépêcha un homme qu’il avait auprès de lui, et qui savait les deux langues, avec ordre de s’approcher des murs et d’appeler en langue romaine Crassus lui-même ou Cassius, et de leur dire que Suréna voulait avoir avec eux une entrevue. L’interprète étant venu faire cette proposition, on la rapporta à Crassus, qui l’accepta. Bientôt après arrivèrent, de l’armée des Barbares, des Arabes qui connaissaient fort bien de vue Crassus et Cassius, parce qu’ils avaient été dans le camp des Romains avant la bataille. Ceux-ci, ayant vu Cassius sur les murs, lui dirent que Suréna était disposé à traiter, et qu’il leur accordait de

  1. Le véritable nom est plutôt Varguntéius, comme l’écrivaient les Romains.