Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/201

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lui avait pas suffi d’être le premier et le plus grand entre tant de milliers d’hommes ; et, parce que deux hommes lui étaient préférés, il croyait que tout lui manquait.

Alors donc les lieutenants Octavius et Cassius voulurent le relever et lui rendre le courage. Lorsqu’ils virent qu’il était complètement abattu, ils convoquèrent eux-mêmes les centurions et les chefs de bandes, et ils délibérèrent avec eux. Il fut décidé qu’on ne resterait point ; et on leva le camp sans trompette, et d’abord en silence. Mais, lorsque ceux qui ne pouvaient suivre s’aperçurent qu’on les abandonnait, leurs gémissements et leurs clameurs remplirent le camp de désordre et de confusion. Le trouble et l’épouvante s’emparèrent de ceux qui déjà avaient pris les devants : ils s’imaginèrent que les ennemis accouraient après eux. À force de retourner sur leurs pas, de se mettre en bataille, de charger sur des bêtes de somme ceux des blessés qui les suivaient, et de faire descendre les moins malades, ils perdirent un temps considérable. Il n’y eut qu’Ignatius qui, avec trois cents cavaliers, arriva jusqu’à Carrhes vers le milieu de la nuit. Il appela en langue romaine les hommes en sentinelles sur les murs ; et, ceux-ci lui ayant répondu, il leur recommanda d’aller dire à Coponius, leur commandant, qu’il y avait eu une grande bataille entre Crassus et les Parthes. Et, sans dire rien autre chose, ni qui il était, il marcha vers le pont, et sauva les gens qui étaient avec lui ; mais on l’a blâmé d’avoir abandonné son général. Cependant, ce mot jeté en passant à Coponius fut utile à Crassus. Coponius, réfléchissant, à la précipitation de celui qui avait parlé et à l’obscurité de son discours, qu’il n’avait rien de bon à annoncer, commanda aussitôt à ses troupes de prendre les armes ; et, dès qu’il fut informé que Crassus était en marche, il alla au-devant de lui, recueillit et fit entrer l’armée dans la ville.

Les Parthes s’étaient bien aperçus pendant la nuit de