Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/212

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vant le peuple. Accusé d’avoir acheté un des sycophantes qui le poursuivaient : « Je suis charmé, dit-il, qu’après avoir si longtemps administré pour vous, l’enquête m’ait convaincu d’avoir plutôt donné que reçu. » Il y avait une politique plus grande dans les dépenses de Nicias, qui mettait son honneur à employer son#argent en offrandes aux dieux, en frais de jeux publics et de chœurs de tragédies. Mais, en comparaison de la dépense que fit Crassus, quand il donna un banquet à tant de milliers d’hommes, et leur distribua en outre de quoi se nourrir pendant quelque temps, toutes les libéralités de Nicias, en y joignant même tout le bien qui lui restait, n’en étaient pas la cinquantième partie. Aussi je m’étonne que cette réflexion ait pu échapper à qui que ce soit : que le vice n’est qu’une anomalie, une contradiction dans la manière d’être ; puisqu’on voit des hommes qui ont amassé leur fortune par des moyens si honteux, la dépenser si utilement.

Voilà pour ce qui est de leur richesse.

Quant à leur conduite politique, on ne voit dans celle de Nicias aucun acte de fourberie, d’injustice, de violence, ou d’emportement ; il fut plutôt dupe d’Alcibiade ; il ne se présentait devant le peuple qu’avec une réserve craintive. Au contraire, on reproche à Crassus, changeant sans cesse d’amis comme d’ennemis, un grand manque de foi et de noblesse. Il ne niait pas lui-même qu’il n’eût employé la violence pour parvenir au consulat, puisqu’il avait loué des assassins afin de se défaire de Caton et de Domitius. Dans l’assemblée pour le partage des provinces, plusieurs hommes du peuple furent blessés, quatre tombèrent morts, et lui-même, ce qui nous a échappé dans le récit de sa vie, donna un coup de poing dans le visage à Lucius Analius, sénateur, qui parlait contre lui, et le chassa tout sanglant de la place. En cela Crassus montra une violence tyrannique ; mais, d’un