Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/239

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revint tout d’un coup sur eux, par un chemin difficile et sans eaux, mais court et qui abrégeait de beaucoup : il espérait qu’en tombant sur ces troupes ainsi dispersées dans leurs cantonnements, il ôterait à leurs officiers la facilité de les rassembler. Mais, à peine entré dans ce désert, des vents froids et une forte gelée harassèrent ses soldats, et les forcèrent de s’arrêter plus d’une fois, et ce fut un remède nécessaire d’allumer de grands feux. Aussi Antigonus ne put-il dérober sa marche aux ennemis. Des barbares, habitants des montagnes voisines, d’où la vue s’étend sur ce désert, surpris de cette multitude de feux, firent partir des courriers sur des dromadaires, pour avertir Peucestas. Effrayé de la nouvelle et tout hors de lui, voyant d’ailleurs les autres officiers dans le même trouble, Peucestas se décida à la fuite, et il entraîna à son avis tous les soldats des autres quartiers qui se trouvaient sur son passage. Eumène calma ce trouble et cet effroi, en promettant qu’il arrêterait la marche précipitée des ennemis, et qu’il les ferait arriver trois jours plus tard qu’on ne les attendait. Eux persuadés, il dépêcha des courriers à tous les capitaines, pour leur porter l’ordre de lever leurs quartiers, et de venir le joindre en toute hâte. Puis lui-même il monte à cheval, avec les officiers qui se trouvaient auprès de lui, choisit un lieu fort élevé, et visible à ceux qui marchaient dans le désert, et y mesure un grand espace, dans lequel il y fait allumer des feux de distance en distance, comme dans un camp. Dès que ses ordres furent exécutés, et qu’Antigonus vit apparaître au haut des montagnes les feux allumés, le chagrin et le découragement s’emparèrent de lui : il s’imagina que les ennemis avaient eu de bonne heure vent de sa marche, et qu’ils venaient à sa rencontre ; et, pour n’être pas forcé de combattre, accablé qu’il était, lui et les siens, et harassé d’une marche pénible, contre des hommes frais et dispos, et qui s’étaient reposés dans de bons quartiers