Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/244

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promesses de Néarque de Crète et de Démétrius son propre fils, qui voulaient sauver la vie à Eumène, et les représentations des autres capitaines, qui tous le pressaient de le faire mourir.

Eumène demanda, dit-on, à Onomarchus, qui le gardait, pourquoi Antigonus, ayant son ennemi entre les mains, ne le faisait pas promptement mourir, ou ne lui rendait pas généreusement la liberté. « Ce n’est pas maintenant, répondit insolemment Onomarchus, c’était sur le champ de bataille, qu’il fallait te montrer brave contre la mort. — Eh bien ! répliqua Eumène, par Jupiter, je l’étais alors. Demande à ceux qui en sont venus aux mains avec moi ; je ne sache pas avoir rencontré un plus fort que moi. — Aussi, reprit Onomarchus, aujourd’hui que tu as trouvé quelqu’un de plus fort que toi, que n’attends-tu ton heure ? »

Quand donc Antigonus eut décidé la mort d’Eumène, il ordonna de lui retrancher toute nourriture. Eumène passa deux ou trois jours sans manger, et il tirait ainsi à sa fin. Mais Antigonus, obligé de décamper tout d’un coup, envoya l’égorger dans sa prison. Il rendit le corps à ses amis, leur permit de le brûler, de recueillir les cendres, et de les enfermer dans une urne d’argent, pour les porter à sa femme et à ses enfants. Les dieux, irrités de cette mort, ne choisirent pas d’autre vengeur sur les officiers et les soldats qui avaient trahi Eumène, qu’Antigonus lui-même, lequel, ne voyant plus dans les Argyraspides que des scélérats impies et de vraies bêtes féroces, les livra à Ibyrtius, le gouverneur de l’Arachosie[1], avec ordre de les écraser, de les exterminer par tous les moyens, afin que pas un d’eux ne revînt en Macédoine, ni ne vît seulement la mer de Grèce.

  1. Pays situé au midi de la Bactriane, sur la rive occidentale de l’Indus.