Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/256

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mentionne ces particularités par honneur pour Juba, le plus grand historien qu’il y ait eu entre les rois, et qu’on assure avoir eu pour ancêtres les descendants de Diodore et de Sophax.

Sertorius, devenu maître de tout le pays, ne maltraita point ceux qui recoururent à lui avec confiance, et qui se remirent à sa discrétion : il leur rendit leurs biens et leurs villes, et les laissa se gouverner par leurs propres lois, satisfait des présents convenables qu’ils lui firent volontairement. Comme il délibérait de quel côté il tournerait ses pas, les Lusitaniens députèrent près de lui, pour l’inviter à prendre le commandement de leurs troupes. Ils avaient besoin, pour se détendre contre les Romains qui les menaçaient, d’un général qui joignît à une grande réputation beaucoup d’expérience ; et c’est à Sertorius seul qu’ils voulaient confier leurs personnes, sur ce qu’ils avaient entendu dire de son caractère par ceux qui avaient vécu avec lui.

Sertorius n’était accessible, dit-on, ni à la volupté ni à la crainte ; intrépide dans les dangers, modéré dans la bonne fortune, il ne le cédait en audace, pour un coup de main, à nul des capitaines de son temps. S’agissait-il de dérober un dessein aux ennemis, de prévenir leurs projets, de s’emparer d’un poste avantageux, d’employer à propos la ruse et l’adresse ? c’était l’homme habile par excellence. Magnifique jusqu’à la prodigalité dans la récompense des belles actions, il était modéré dans la punition des fautes. Toutefois la cruauté et la violence avec lesquelles il traita, dans les derniers temps de sa vie, les otages qu’il avait entre les mains, prouveraient que la douceur ne lui était pas naturelle, et qu’il en prenait les dehors par intérêt, suivant le besoin des circonstances. Pour moi, je pense, il est vrai, qu’une vertu réelle, bien affermie par la raison, ne peut jamais dévier jusqu’à l’excès contraire par l’effet d’un revers de fortune ;