Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/258

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informé, par quelque avis secret, que les ennemis avaient fait une incursion sur les terres de sa province, ou qu’ils avaient sollicité une ville à la défection, il feignait que la biche lui avait parle pendant son sommeil, et qu’elle lui avait commandé de tenir les troupes prêtes à combattre. Apprenait-il qu’un de ses lieutenants avait eu quelque avantage il faisait cacher le courrier, et il produisait en public la biche couronnée de fleurs, ce qui 41 annonçait une heureuse nouvelle ; puis il disait aux soldats d’avoir bon courage, et de faire des sacrifices aux dieux, leur promettant qu’ils apprendraient bientôt quelque bon succès.

C’est ainsi qu’il les rendit souples, et soumis à toutes ses volontés ; car ils croyaient obéir non point aux conceptions militaires d’un homme étranger, mais à un dieu. Ajoutez que les événements concouraient à les affermir dans cette opinion, lorsqu’ils voyaient les progrès extraordinaires de sa puissance. Car, avec deux mille six cents hommes qu’il appelait Romains, mais où se trouvaient mêlés sept cents Africains qui avaient passé avec lui en Lusitanie ; et avec quatre mille hommes de pied et sept cents chevaux, qu’il avait levés chez les Lusitaniens, il luttait contre quatre généraux romains, qui avaient sous leurs ordres cent vingt mille hommes d’infanterie, six mille chevaux, deux mille archers et frondeurs, et qui occupaient des villes innombrables, tandis qu’il n’en avait possédé d’abord que vingt. Cependant, avec des commencements si faibles, non-seulement il dompta les nations puissantes, et prit un grand nombre de villes, mais, des divers généraux qu’il eut en tête, il défit Cotta dans un combat naval, près du détroit de Mellaria[1], mit en déroute Phidius[2], qui commandait dans la Bétique, et

  1. Autrement le détroit de Gadès ; Mellaria était située sur le détroit.
  2. Phidius est un inconnu, quelques-uns lisent Didius, d’autres Aufidius, d’autres enfin Furfidius.