Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/260

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il échappait toujours, et qu’en poursuivant l’ennemi il finissait toujours par le cerner. Métellus, réduit à l’impossibilité de combattre, souffrait, par conséquent, tous les inconvénients des vaincus, tandis que Sertorius, en fuyant, avait tous les avantages d’un vainqueur qui poursuit les fuyards : il coupait l’eau à son ennemi, et il l’empêchait de faire des fourrages ; il l’entravait dans ses marches ; il le harcelait dans ses haltes, et le forçait de déloger. Métellus avait-il mis le siège devant une ville, Sertorius arrivait aussitôt, et le tenait lui-même assiégé, en le réduisant à la disette. Enfin, les soldats romains, désespérés, voulurent obliger Métellus d’accepter le défi d’un combat singulier, que lui avait fait Sertorius. « Il faut combattre, disaient-ils, général contre général, Romain contre Romain. » Métellus s’y refusa, et devint le sujet de leurs plaisanteries. Mais il s’en moqua, et il eut raison ; car un général, comme le dit Théophraste, doit mourir en capitaine, et non pas en simple soldat.

Métellus, voyant que les Langobrites[1], qui rendaient de grands services à Sertorius, pouvaient être facilement pris par la soif, car ils n’avaient qu’un puits dans leur ville et l’assiégeant devait être maître des sources qui se trouvaient dans les faubourgs et au pied des murailles, marcha contre la ville, persuadé que la disette d’eau la lui livrerait eu deux jours : il ne fit donc prendre à ses soldats des vivres que pour cinq jours. Sertorius s’empresse de venir au secours des assiégés : et il commande qu’on remplisse d’eau deux mille outres, promettant, pour chaque outre une forte somme d’argent. Plusieurs soldats, tant espagnols que maurusiens, s’étant offerts pour cette commission, il choisit les plus vigoureux et les plus agiles, les envoie par la montagne, avec ordre,

  1. Habitants d’une ville de la Lusitanie, assez près de la mer et de l’embouchure du Douro, sur les confins de la Bétique.