Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/285

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À cela Lysandre répondait que si les Spartiates avaient tant de peur de l’oracle, c’était de Léotychidas qu’ils devaient se garder : « Car peu importe au dieu, disait-il, qu’un homme boiteux soit roi ; mais si le roi n’est pas fils légitime, s’il n’est pas Héraclide, c’est alors que la royauté sera boiteuse. » Agésilas ajoutait que Neptune même avait déposé de la bâtardise de Léotychidas, en forçant, par un tremblement de terre, Agis à quitter le lit nuptial ; et que Léotychidas était né plus de dix mois après cette séparation.

C’est ainsi et pour ces motifs qu’Agésilas fut proclamé roi. Il recueillit aussitôt la succession d’Agis, dont Léotychidas fut exclu comme bâtard. Mais, voyant que les parents maternels du jeune homme étaient d’honnêtes gens, mais fort pauvres, il leur en distribua la moitié, et il s’acquit ainsi l’affection des citoyens et un noble renom au lieu de la jalousie et des inimitiés qu’aurait soulevées contre lui cette riche succession. Quant à ce que dit Xénophon[1], qu’Agésilas, en obéissant à sa patrie, parvint à une telle autorité qu’il faisait à Sparte ce qu’il voulait, voici ce qui en est. Ce qu’il y avait de plus puissant dans l’État, c’était le collège des éphores et le Sénat. Le pouvoir des premiers était annuel ; la dignité de sénateur était à vie : le Sénat avait été établi en face des rois pour servir de frein à leur autorité, comme nous l’avons écrit dans la Vie de Lycurgue[2]. Aussi, de tout temps, les rois eurent-ils pour le Sénat une haine héréditaire, qui se transmettait non moins vive à leurs successeurs. Agésilas prit une route opposée. Au lieu de choquer les sénateurs et d’entrer en lutte avec eux, il les traitait avec de grands égards, n’entreprenant rien sans les consulter, et s’empressant d’accourir s’ils le mandaient. Toutes

  1. Dans son éloge d’Agésilas.
  2. Cette Vie est dans le premier volume.