Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait aussi une fille jeune, belle et nubile : Agésilas engagea Cotys à l’épouser. Ensuite, ayant reçu de Cotys mille cavaliers et deux mille hommes d’infanterie légère, il s’en alla de nouveau dans la Phrygie, et se mit à ravager le pays du gouvernement de Pharnabaze. Celui-ci, loin de l’attendre, ne se fiant pas même a ses forteresses, et traînant partout avec lui presque tout ce qu’il avait de plus précieux et de plus cher, allait toujours se retirant, fuyant de position en position, jusqu’à ce qu’enfin Spithridate, qui l’observait de près, ayant pris avec lui le Spartiate Hérippidas, se rendit maître de son camp, et s’empara de toutes ses richesses. Mais Hérippidas se montra si âpre à rechercher ce qui avait été soustrait du butin, qu’il contraignit les Barbares à déposer leur part ; et, à force de chercher et de fureter partout, il irrita tellement Spithridate, que celui-ci s’en retourna à Sardes avec ses Paphlagoniens.

C’est, dit-on, la contrariété à laquelle Agésilas fut le plus sensible. Il était fâché de perdre un homme aussi brave que Spithriflate, et sa troupe qui n’était pas sans importance ; mais, en outre, il avait honte du reproche qu’on pouvait lui adresser d’une avarice mesquine et basse, quand il se piquait d’en être exempt et d’en garantir toujours sa patrie. Outre ces motifs apparents de regret, ce qui le tourmentait vivement, c’était l’amour que le jeune Mégabatès avait fait naître dans son cœur, quoiqu’en sa présence, fidèle à son ambition de n’être jamais vaincu, il combattît ses désirs de toutes ses forces. Un jour même que Mégabatès s’avançait pour le saluer et lui donner un baiser, il se détourna : l’enfant rougit et s’arrêta ; et, dans la suite, Mégabatès ne lui adressa plus son salut que de loin. À son tour, Agésilas en fut contrarié, et se repentit d’avoir évité ce baiser ; et il affecta de demander d’un air étonné pourquoi Mégabatès ne le saluait plus d’un baiser : « C’est toi qui en es cause,