Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/299

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dieux eussent fait pour supporter également toutes les variétés des saisons. Mais le spectacle le plus agréable pour les Grecs d’Asie, c’était de voir les gouverneurs et les généraux qui leur pesaient tant, ces hommes insupportables, et qui regorgeaient de richesses et de voluptés, maintenant craintifs, faire leur cour à un homme vêtu d’un vieux manteau tout uni, s’accommoder et se métamorphoser sur une seule parole de lui, brève et laconique. Aussi allait-on répétant le mot de Timothée[1] :

Mars est un tyran ; la Grèce n’a pas peur de l’or[2].

L’Asie était en mouvement, et se laissait aller sur tous les points à la défection : il y régla les affaires des villes, y rétablit l’ordre convenable dans le gouvernement de chacune, sans envoyer un seul homme au supplice ou en exil. Puis il résolut de marcher en avant, d’éloigner la guerre des mers de la Grèce, d’aller forcer le roi à craindre pour sa personne et pour la félicité dont il jouissait dans Ecbatane et dans Suse, et de lui enlever d’abord tout loisir, de manière qu’il n’eut plus le temps de rester tranquillement assis dans son palais, soulevant à son gré des guerres parmi les Grecs, et corrompant les démagogues. Sur ces entrefaites arrive auprès de lui le Spartiate Épicydidas, annonçant que les Grecs menacent Sparte d’une guerre dangereuse, et que les éphores le rappellent et lui ordonnent de venir au secours de son pays.

Ô Grecs ! vous vous êtes ingéniés à inventer des maux barbares[3] !

  1. Poète dithyrambique, né à Milet, et contemporain de Philippe, père d’Alexandre.
  2. On voulait dire par là que les Perses, malgré leurs richesses, devaient se soumettre aux lois dictées par un guerrier comme Agésilas.
  3. Euripide, dans les Troyennes, vers 759.