Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/307

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gements et des réformes dans le gouvernement. Agésilas, l’ayant lu, se disposait à le produire en public ; mais un des sénateurs le lut aussi, et, redoutant l’influence qu’il pouvait exercer, lui conseilla de ne pas déterrer Lysandre, mais d’enterrer plutôt son discours avec lui. Agésilas suivit ce conseil, et demeura tranquille.

Pour ce qui est de ses ennemis politiques, il ne leur nuisait jamais ouvertement ; au contraire, il travaillait à faire charger toujours quelques-uns d’entre eux de commandements militaires ou d’autres emplois, et les mettait par là en position de montrer, dans l’exercice de leur pouvoir, leur méchanceté et leur avarice. Et puis, quand on les traduisait en justice, il leur venait en aide, les secondait de toutes ses forces ; et d’adversaires il s’en faisait des amis personnellement attachés à lui, tellement qu’il n’y eut plus personne qui lui fit de l’opposition.

L’autre roi, Agésipolis, parce qu’il était fils d’un banni[1], et d’ailleurs fort jeune et naturellement facile et modeste, se mêlait peu du gouvernement. Néanmoins Agésilas le fit, comme les autres, à sa main. Les rois mangent ensemble à une table commune quand ils sont à la ville. Connaissant donc qu’Agésipolis n’était pas moins que lui porté à l’amour, il amenait toujours la conversation sur les jeunes et beaux garçons : il tournait l’affection du jeune homme sur ce qu’il aimait lui-même, et il l’aidait dans sa passion. Dans ces amours lacédémoniennes, il n’y a rien de honteux ; il n’y a au contraire que pudeur, honnêteté, zèle pour la vertu, comme il a été écrit dans la Vie de Lycurgue.

Ainsi Agésilas exerçait dans l’État la puissance la plus étendue ; et il en usa pour faire donner le commandement de la flotte à Téleutias, son frère utérin. Puis, il

  1. Agésipolis était fils de Pausanias. Voyez la Vie de Lysandre dans le deuxième volume.