Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’opérer une révolution dans le gouvernement. Dans des conjonctures aussi critiques, il était embarrassant de les juger, et non moins de les négliger et de les laisser se livrer à leurs mauvais desseins. Agésilas, après en avoir délibéré avec les éphores, les fit mourir sans jugement, quoique jusqu’alors jamais un Spartiate n’eût subi la peine de mort sans condamnation. On avait enrôlé et armé les hommes des campagnes voisines et les Hilotes ; beaucoup d’entre eux s’enfuirent de la ville dans le camp ennemi, et cette désertion jetait un grand découragement parmi les Spartiates. Sur les instructions d’Agésiias, ses serviteurs s’en allèrent le matin avant le jour aux lits des transfuges, enlever les armes qu’ils y avaient laissées, et ils les cachèrent pour qu’on ne connût point leur nombre.

La plupart des historiens écrivent que les Thébains évacuèrent la Laconie parce que l’hiver venait, et que les Arcadiens commençaient à s’en aller et à s’écouler en désordre. Suivant d’autres, ils y restèrent trois mois entiers à dévaster presque tout le pays. Au rapport de Théopompe, les béotarques avaient déjà résolu de partir, lorsqu’il arriva un Spartiate nommé Phrixus, qui leur apportait, de la part d’Agésiias, dix talents[1] pour prix de leur retraite ; tellement qu’en faisant ce à quoi ils étaient déterminés depuis longtemps, ils reçurent encore de l’ennemi des frais de route. Toutefois je ne sais trop comment les autres historiens eussent ignoré ce fait, et qu’il eût été connu du seul Théopompe.

Mais ce qui est avoué de tout le monde, c’est que Sparte dut son salut à Agésilas, lequel renonça à ses deux passions innées, l’ambition et l’opiniâtreté, et ne songea plus qu’à la sûreté publique. Quant à la puissance et à la gloire de sa patrie, il lui fut impossible de les relever de

  1. Environ soixante mille francs de notre monnaie.