Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficile pour les Thébains, c’était moins, encore la rapidité des eaux que leur température glaciale. Néanmoins, Épaminondas traversait le fleuve à la tête de son infanterie, et quelques personnes le montraient à Agésilas. Celui-ci, à ce qu’on rapporte, resta longtemps les yeux fixés sur lui ; et, quand il détourna la tête, il ne dit que ces mots : « Quel homme entreprenant  ! » L’ambition d’Épaminondas était de livrer un combat dans la ville, et d’y ériger un trophée ; mais il ne put faire quitter à Agésilas sa position, et l’attirer à lui. Alors il repassa la rivière, et se remit à faire le dégât par la plaine.

Dans Lacédémone, cependant, il y avait des gens méchants et depuis longtemps malintentionnés. Au nombre d’environ deux cents ils formèrent un complot, et se saisirent de la hauteur d’Hissorium, où était le temple de Diane, position forte, et d’où il eût été difficile de les chasser. Les Lacédémoniens voulaient pourtant courir aussitôt sur eux ; mais Agésilas redouta les suites de ce mouvement. Après avoir ordonné aux siens de demeurer en repos, il s’en alla lui-même couvert seulement de son manteau, sans armes, et avec un seul serviteur ; et, en s’avançant vers eux, il leur cria qu’ils avaient autrement entendu qu’il n’avait commandé : « Ce n’est pas là que l’ordre était de vous rendre, ni tous ensemble ; mais les uns sur ce point, leur disait-il en désignant de la main une position différente, et les autres sur ces autres points de la ville. » Ces gens, enchantés de l’entendre parler de la sorte, parce qu’ils croient leur complot ignoré, se séparent, et s’en vont dans les postes qu’il leur désignait. Pour lui, il fit venir sur-le-champ d’autres troupes, qui occupèrent l’Hissorium ; puis il fit arrêter et mettre à mort pendant la nuit une quinzaine de ces conjurés.

Un autre complot plus sérieux fut ensuite découvert : il était tramé par des Spartiates qui se réunissaient secrètement dans une maison, pour chercher les moyens