Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/363

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Romains : ils descendaient à terre, infestaient les chemins par leurs brigandages, et ruinaient les maisons de plaisance voisines de la mer. Ils enlevèrent deux préteurs, Sextilius et Bellinus, vêtus de leurs robes de pourpre, et les emmenèrent avec leurs domestiques et leurs licteurs. La fille d’Antonius, personnage qui avait été honoré du triomphe, fut aussi enlevée en allant à la campagne, et n’obtint sa liberté qu’au prix d’une grosse rançon. Mais voici qui était bien le comble de l’insolence : lorsqu’un prisonnier s’écriait qu’il était Romain et disait son nom, ils feignaient l’étonnement et la crainte ; ils se frappaient la cuisse, se jetaient à ses genoux, et le priaient de pardonner. Le prisonnier se laissait convaincre à cet air d’humilité et de supplication ; et ensuite les uns lui mettaient des souliers, les autres une toge, afin, disaient-ils, qu’il ne fût plus méconnu. Après s’être ainsi longtemps joué de lui et avoir joui de son erreur, ils finissaient par jeter une échelle au milieu de la mer, et lui ordonnaient d’y descendre, et de s’en retourner en paix chez lui ; s’il refusait de le faire, ils le précipitaient eux-mêmes, et le noyaient.

Notre mer, presque tout entière infestée par les pirates, était fermée a la navigation et au commerce. Ce fut là surtout ce qui décida les Romains, qui commençaient à manquer de vivres et craignaient la famine, à envoyer Pompée pour délivrer la mer de la domination des pirates, Gabinius, un de ses amis, proposa un décret qui conférait à Pompée non-seulement le commandement des forces maritimes, mais une autorité monarchique et une puissance universelle et irresponsable. En effet, ce décret lui donnait un empire absolu sur toute la mer, jusqu’aux colonnes d’Hercule, et sur toutes les côtes jusqu’à la distance de quatre cents stades[1]. Or, cet es-

  1. Environ vingt lieues.