Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/380

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homme riche mort depuis peu, et que ce n’était encore là que l’avant-goût et un échantillon des autres biens dont il serait en possession. Il avait de la peine à croire ce qu’on lui disait ; mais enfin il se laissa revêtir d’une robe de pourpre, monta à cheval, et traversa la ville en criant : « Tout ceci est à moi ! » Et, si quelqu’un se moquait de lui : « Ce ne sont pas mes folies, disait-il, qui doivent surprendre ; il faut s’étonner bien plutôt que, dans l’excès de joie qui me rend fou, je ne jette pas des pierres aux passants. » Voilà de quelle famille et de quel sang était Stratonice[1]. Elle livra à Pompée la forteresse qu’elle avait en garde, et lui fit de riches présents ; mais Pompée ne prit que ce qui pouvait servir à la décoration des temples et à l’ornement de son triomphe : il voulut que Stratonice conservât le reste pour elle.

Le roi des Ibères lui envoya un lit, une table et un trône, le tout d’or massif, et le fit prier de les recevoir comme un gage de son amitié. Pompée les remit aux questeurs pour le trésor public. Il trouva, dans la forteresse de Cénon, les papiers secrets de Mithridate, qu’il lut avec plaisir, parce qu’ils mettaient dans tout son jour le caractère du roi. C’étaient des mémoires par lesquels il demeurait constant que Mithridate avait empoisonné plusieurs personnes, entre autres son fils Ariarathe et Alcée le Sardien, qui avait remporté sur lui le prix de la course des chevaux. Il y avait des explications des songes qu’il avait eus, lui et ses femmes ; enfin, des lettres amoureuses de Monime à Mithridate, et de Mithridate à Monime. Théophane prétend qu’il s’y trouva aussi un discours de Rutilius, dont le but était d’engager Mithridate à massacrer les Romains qui étaient dans l’Asie ; mais la plupart soupçonnent, avec vraisemblance, que c’est une noire ca-

  1. Plutarque se sert ici ironiquement d’une manière de parler fréquemment usitée dans Homère à propos de la généalogie des héros.