Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/397

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de cet approvisionnement suffit aux peuples voisins, et fut comme une source féconde qui coula partout sans interruption.

Durant ce temps, les guerres de Gaule avaient élevé à une grande hauteur la puissance de César : dans ce grand éloignement de Rome où il se trouvait, on le croyait uniquement attaché à combattre les Belges, les Suèves et les Bretons ; mais, sans qu’on s’en doutât, il était au milieu du peuple, conduisait avec habileté les principales affaires, et minait peu à peu le crédit de Pompée. Il s’incorporait, en quelque sorte, son armée ; ce n’était pas proprement à vaincre les Barbares qu’il l’employait : ces combats étaient à ses yeux comme des chasses militaires pour endurcir les soldats, pour les rendre redoutables et invincibles. Il envoyait à Rome tout l’or et l’argent, toutes les autres dépouilles, toutes les autres richesses conquises sur tant d’ennemis ; et il les faisait servir à corrompre ceux qui pouvaient lui être utiles. Les riches présents qu’il faisait aux édiles, aux préteurs, aux consuls, à leurs femmes, lui gagnaient une foule de partisans : aussi, lorsqu’il eut repassé les Alpes, et qu’il vint hiverner à Lucques, il s’y rendit de Rome une multitude immense d’hommes et de femmes, qui accouraient à l’envi. On y comptait deux cents sénateurs, entre autres Crassus et Pompée ; et l’on voyait tous les jours à sa porte jusqu’à cent vingt faisceaux de proconsuls et de préteurs.

Il renvoya tout le monde comblé de ses dons et rempli de belles espérances ; mais il fit avec Crassus et Pompée une convention en vertu de laquelle Crassus et Pompée devaient demander ensemble un second consulat : César s’engageait à envoyer à Rome, pour appuyer leur brigue, un grand nombre de ses soldats, qui donneraient leurs suffrages en leur faveur ; ils promettaient, de leur côté, de travailler, aussitôt après l’élection, à ob-